Schizophrénie : démêler le vrai du faux sur une maladie méconnue

05/07/2025

Introduction : pourquoi autant de mythes ?

La schizophrénie intrigue, effraie, et suscite encore de nombreuses idées fausses. Ce flou tient autant à la complexité de la maladie qu’à la façon dont elle est représentée dans les médias. Une simple recherche d’actualités ou de descriptions cinematographiques montre à quel point les images violentes, spectaculaires, voire sensationnalistes, prennent le pas sur la réalité vécue par les personnes concernées. Pour les familles, cet amalgame entretient la peur chez les autres et renforce l’isolement. Il devient alors crucial de déconstruire ensemble ces mythes, pour mieux accompagner et pour lutter contre la stigmatisation.

1. La schizophrénie ne signifie pas avoir une « double personnalité »

C’est peut-être l’idée fausse la plus enracinée : on imagine spontanément qu’une personne schizophrène vit avec deux identités distinctes, qui prendraient tour à tour le contrôle. Cette confusion vient surtout de l’amalgame avec le trouble dissociatif de l’identité (anciennement « multiples personnalités ») qui est une réalité totalement différente. En vérité, la schizophrénie se caractérise par des troubles de la pensée, des perceptions altérées (hallucinations), le retrait social ou l’émoussement des émotions. Il n’existe aucun dédoublement de personnalité dans cette maladie.

  • Selon Santé Publique France, moins de 2 % de la population connaît précisément les symptômes de la schizophrénie (Santé Publique France).
  • Le terme « schizophrénie » vient de « schizo » (fendre) et « phrên » (esprit), mais ne désigne pas une double personnalité.

2. Non, la schizophrénie n’est pas synonyme de violence

La peur de la violence associée à la schizophrénie est omniprésente dans l’espace public. Or, les faits montrent l’inverse : les personnes vivant avec cette maladie sont bien plus souvent victimes que responsables d’actes violents. Le risque de violence est statistiquement bien inférieur à ce qui est perçu ; il est plus élevé en raison de facteurs extérieurs, tels que la précarité, l’isolement, l’absence de soins adaptés ou la consommation concomitante d’alcool ou de drogues – risques qui concernent d’ailleurs toute la population.

  • Le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé souligne que « les personnes atteintes de schizophrénie sont 14 fois plus exposées à être victimes plutôt qu’auteurs de crimes violents » (OMS, 2022).
  • Seulement 5 % des crimes violents seraient commis par des personnes souffrant de maladies psychiques sévères, toutes pathologies confondues (Inserm, 2020).
  • La stigmatisation fait peser sur les malades et leur famille une forme d’exclusion et de peur injustifiée.

3. Non, la schizophrénie n’est pas une maladie rare

On pense souvent que la schizophrénie est marginale : un cas sur des milliers, presque invisible. Pourtant, elle concerne entre 0,7 et 1 % de la population mondiale. En France, cela représente environ 600 000 personnes, soit autant qu’une ville comme Lyon. La maladie touche tous les milieux sociaux, toutes les régions, sans distinction.

  • Selon l’Inserm, près de 8 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en France.
  • Le pic d’apparition est situé entre 15 et 30 ans, avec une fréquence légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes (Inserm).

Ces chiffres sont essentiels pour rappeler que la schizophrénie n’est ni marginale, ni rare. Elle n’est pas cantonnée à des profils « à risque » très spécifiques ou à des histoires familiales lourdes. C’est une maladie comme tant d’autres, qui peut concerner chacun.

4. La schizophrénie, ce n’est pas un « désespoir sans issue »

Autre idée reçue qui fait du tort : la schizophrénie serait une maladie irrémédiable, marquée par le chaos et sans stabilité possible. On imagine trop souvent une absence totale d’autonomie. Pourtant, il existe d’innombrables parcours où, grâce à un accompagnement précoce, un suivi médical et psychosocial adapté, ainsi que le soutien du réseau familial, les personnes peuvent mener une vie riche, stable et permettre des projets personnels, familiaux ou professionnels.

  • Le taux de rétablissement partiel ou total est estimé entre 20 et 50 %, selon les critères et selon l’accès aux soins (The Lancet Psychiatry, 2017).
  • 1 personne sur 5 reprend une activité à temps plein dans les années suivant son diagnostic (Schizophrenia Research Foundation).

Rétablissement ne veut pas dire « guérison totale », mais possibilité de reprendre des activités, de maintenir des relations sociales, d’aller à l’école, d’avoir des projets personnels. Insister sur ces réalités positives permet de redonner espoir et de désamorcer la fatalité.

5. Les traitements ne se résument pas à la camisole chimique

Certains mythes résistent sur la question des traitements : « Il n’y a que les médicaments qui comptent », « Les soins en psychiatrie, c’est la camisole ou l’enfermement ». L’évolution des prises en charge depuis vingt ans a pourtant bouleversé la réalité du quotidien pour la majorité des personnes concernées.

  • 80 % des personnes vivant avec la schizophrénie sont suivies désormais en dehors de structures hospitalières, dans leur lieu de vie (Assurance Maladie, 2022).
  • Outre les traitements antipsychotiques, la psychothérapie cognitivo-comportementale, le suivi en CMP (centres médico-psychologiques), le logement accompagné, ou les ateliers de remédiation cognitive, permettent une vie sociale et une autonomie accrues.
  • Les médicaments sont efficaces sur certaines dimensions, mais ne règlent pas, à eux seuls, les difficultés d’insertion sociale ou professionnelle.

Il faut rappeler aussi la place des aidants et de la famille, pivots incontournables du soutien au quotidien.

6. Ce n’est pas la faute des parents, ni le résultat d’une éducation défaillante

Le mythe du parent responsable, notamment de la mère « schizophrénogène », a longtemps pesé sur les familles, alimentant culpabilité et silence. Aujourd’hui, la recherche est unanime : la schizophrénie est une maladie multifactorielle.

  • Des facteurs génétiques, biologiques, psychologiques et environnementaux sont impliqués, sans responsabilité directe des choix éducatifs.
  • Si un parent est porteur de schizophrénie, le risque pour un enfant est certes plus important que dans la population générale, mais il reste très faible : entre 6 et 13 % selon les sources (INSERM, OMS).

Ce point est essentiel pour alléger la charge morale des familles et autoriser l’expression des difficultés sans crainte d’être jugés.

7. Les personnes concernées peuvent aimer, travailler, s’engager dans la société

La schizophrénie n’annule pas le désir ou la capacité de travailler, d’aimer ou d’avoir des liens sociaux. Comme pour toute maladie chronique, les périodes difficiles alternent avec des phases de répit, souvent longues. Les dynamiques de récupération (recovery) insistent justement sur la nécessité de maintenir les liens sociaux, de conserver l’accès à l’emploi, au logement, et de soutenir la personne dans son autonomie, en partenariat avec elle.

  • En France, près de 25 % des personnes vivant avec la schizophrénie exercent une activité professionnelle ou associative (UNAFAM, 2021).
  • Au Canada, des programmes de réinsertion sociale permettent à près d’un tiers des personnes concernées de reprendre des études ou une formation (Schizophrenia Society of Canada).

Le regard posé par la société, la stigmatisation et l’isolement sont bien plus handicapants que la maladie elle-même. Le soutien du milieu professionnel, l’aménagement des rythmes et la bienveillance du quotidien sont souvent des clés décisives.

8. La schizophrénie n’épargne pas la Haute-Garonne : quels impacts locaux ?

À l’échelle de notre territoire, la Haute-Garonne, la prévalence de la schizophrénie reste conforme à la moyenne nationale. Mais l’accès au diagnostic précoce, à l’accompagnement, et au répit pour les familles demeure encore très variable selon les secteurs. Plusieurs associations locales, comme l’UNAFAM 31, mobilisent des permanences, des groupes familles ou des cafés répit, pour permettre d’échanger et de sortir de l’isolement.

  • En 2023, près de 3 000 personnes ont été suivies pour un premier épisode psychotique dans le département (ARS Occitanie).
  • Se faire aider, s’informer localement, échanger avec d’autres familles ou des professionnels est aujourd’hui possible, malgré les freins qui subsistent.

Pour aller plus loin : changer notre regard, une responsabilité collective

Les mythes autour de la schizophrénie relèvent moins d’une curiosité que d’un véritable enjeu de santé publique. Ils creusent la solitude, la honte, la peur, et font obstacle à la coopération active des proches comme à l’insertion. Plus nous déconstruisons ensemble ces fausses croyances, plus nous permettons une compréhension mutuelle, une parole libérée et des parcours de soins porteurs d’espoir. Mieux s’informer, c’est non seulement mieux accompagner un proche, mais aussi refuser la stigmatisation pour offrir à chacun la place qu’il mérite dans la société.

Pour en savoir plus, retrouvez sur ce blog les contacts d’associations locales, d’équipes de soutien ou de groupes d’entraide en Haute-Garonne. N’hésitez jamais à solliciter les ressources légitimes.  « Unis pour nos aidants », c’est aussi ça : bâtir des ponts et non des murs autour de la maladie psychique.

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