Schizophrénie : quelles solutions de traitement existent vraiment ?

22/06/2025

Comprendre la schizophrénie : un enjeu de société et de santé publique

En France, près de 600 000 personnes vivent avec un diagnostic de schizophrénie. Cette maladie psychique, mal comprise, source de nombreux fantasmes et de peur, touche essentiellement des personnes jeunes et impacte profondément leur vie ainsi que celle de leur famille (Source : INSERM). Développement à l’adolescence ou au tout début de l’âge adulte, symptômes variés (délires, hallucinations, troubles de la pensée, retrait social, difficulté à organiser sa vie quotidienne, etc.), parcours souvent semés d’embûches pour accéder à des soins adaptés et stables... La question des traitements apparaît au cœur des préoccupations, aussi bien pour les personnes concernées que pour leurs proches.

Longtemps, on a cru à tort qu’il n’existait que des solutions médicamenteuses, souvent associées dans l’imaginaire collectif à la « camisole chimique ». Pourtant, les traitements de la schizophrénie sont aujourd’hui variés, adaptés, et articulent plusieurs dimensions pour viser une vie la plus douce et autonome possible.

Traitements médicamenteux : incontournables, mais pas uniques

Les médicaments antipsychotiques sont la pierre angulaire du traitement de la schizophrénie, agissant principalement sur les symptômes dits « positifs » : hallucinations, délires, troubles du comportement. Selon la Haute Autorité de Santé, ils permettent une diminution significative du risque de rechute (HAS, 2022) et une amélioration de la qualité de vie lorsqu’ils sont bien tolérés.

Antipsychotiques de première et de deuxième génération : quelle différence ?

  • Première génération (ex : Halopéridol, Chlorpromazine) : apparus dans les années 1950, efficaces contre les délires et hallucinations, mais souvent responsables d’effets secondaires importants (mouvements involontaires, raideur musculaire, tremblements… appelée « syndrome extrapyramidal »).
  • Deuxième génération (ex : Risperidone, Olanzapine, Aripiprazole) : plus récents, globalement mieux tolérés, ils agissent aussi sur les symptômes négatifs (retrait, perte d’élan) et comportent moins de risque de troubles moteurs mais parfois plus de prise de poids, troubles métaboliques ou sédation.

À noter : la prescription de ces médicaments requiert un suivi médical régulier, dosages sanguins, surveillance des effets secondaires (prise de poids, diabète, troubles cardiaques, etc.). Les médecins cherchent généralement à trouver la dose minimale efficace, car une approche « à la carte » reste indispensable pour chaque personne. D’après l’Assurance Maladie, 70% des personnes stabilisées connaissent de véritables périodes de rémission. (Ameli)

Médicaments à libération prolongée (formes injectables)

Pour celles et ceux qui ont du mal à prendre régulièrement leur traitement (un souci fréquent avec la maladie), il existe des formes injectables à action prolongée, administrées toutes les 2 à 4 semaines. Elles permettent une stabilité meilleure, limitent le risque de rechute lié à l’oubli.

Psychothérapie : un rôle essentiel et complémentaire

L’accompagnement psychothérapeutique fait partie intégrante du soin. La schizophrénie n'est pas seulement affaire de biologie, et le dialogue, la parole, l’analyse des difficultés vécues permettent d’avancer, de mieux vivre avec ses symptômes, de prévenir les rechutes.

Thérapies recommandées

  • Psychothérapie individuelle de soutien, souvent avec un psychologue formé aux troubles psychotiques, permet d’aborder les ressentis, l’estime de soi, les relations sociales.
  • TCC (Thérapies Cognitivo-Comportementales), font partie des approches les plus étudiées. Elles ont une efficacité reconnue pour apprendre à repérer les signes avant-coureurs de décompensation, gérer les idées délirantes, prendre du recul face aux hallucinations, améliorer les compétences sociales. (INSERM, Revue Prescrire).
  • Remédiation cognitive : vise à travailler sur les troubles cognitifs qui persistent souvent (attention, mémoire, organisation), avec des ateliers individuels ou collectifs, parfois informatisés, pour améliorer l’autonomie au quotidien.
  • Thérapies familiales ou psychoéducation : essentielles pour aider les proches à mieux comprendre la maladie, diminuer la détresse familiale et prévenir les rechutes.

Accompagnement psychosocial : vivre, pas seulement survivre

Trouver un logement, un emploi, renouer du lien social, apprendre à gérer son budget, bénéficier d’une activité physique ou artistique adaptée… Voilà aussi des aspects essentiels du rétablissement, trop longtemps mis au second plan. En Haute-Garonne, plusieurs dispositifs sont là pour accompagner ces démarches.

  • Équipes mobiles de psychiatrie : prennent le relais pour éviter l’isolement ou l’hospitalisation, soutiennent à domicile ou en milieu ordinaire, en articulant psychiatres, infirmiers, assistantes sociales, éducateurs.
  • Services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), établissements et services d’aide par le travail (ESAT) : pour soutenir le parcours professionnel et social, à rythme adapté.
  • Groupes de parole entre pairs (groupes d’entraide mutuelle, GEM) : permettant le partage d’expériences, la reconstruction de la confiance, l’ouverture vers la cité.
  • Psychoéducation, ateliers pour apprendre à mieux gérer la maladie, reprendre du pouvoir d’agir (empowerment), ouverts aux proches comme aux personnes concernées.

Traitement de la crise : hospitalisation et soins intensifs

Lors de phases aigües (bouffées délirantes, comportements dangereux, rupture totale avec la réalité), il reste parfois nécessaire de recourir à l’hospitalisation, soit à la demande de la personne, soit, plus rarement, sur décision médicale en cas de danger imminent.

En France, environ 80% des personnes ayant un diagnostic vivent en dehors de l’hôpital, contre moins de 20% il y a 40 ans (UNAFAM), preuve que la psychiatrie tend à privilégier, dès que possible, un accompagnement en milieu ouvert – mais avec des relais de crise réactifs.

Des approches innovantes : l’espoir en mouvement

  • Stimulation cérébrale non invasive (stimulation magnétique transcrânienne, stimulation électrique transcrânienne) : en cours d’évaluation en France, quelques effets positifs sur les hallucinations auditives résistantes, mais réservées à certains centres experts (Fondation Fondamental).
  • Interventions précoces : équipes spécialisées auprès des adolescents et jeunes adultes pour agir dès les premiers symptômes (moins de rechutes, meilleure intégration sociale).
  • Applications numériques de suivi : journaux de bord électroniques, rappels de prise du traitement, exercices en ligne, programmes de TCC accessibles à distance. Un appoint intéressant, avec l’appui de professionnels.
  • Médiation animale, art-thérapie, sport adapté : interventions complémentaires qui favorisent l’initiative, le mieux-être, la relation à l’autre.

La recherche avance. De nouveaux antipsychotiques « agisseurs » sur des voies cérébrales différentes (glutamatergiques, sphingolipides…) sont à l’étude, pour combler la faible efficacité sur les symptômes négatifs et cognitifs. Mais aucun traitement “révolutionnaire” n’a encore bouleversé les pratiques depuis vingt ans.

Points de vigilance et limites à connaître

  • L’adhésion au traitement reste le principal enjeu : 1 personne sur 2 arrête ou oublie régulièrement son traitement, exposant à un fort risque de rechute (Revue Schizophrénie).
  • Les effets secondaires, notamment de certains antipsychotiques, justifient une surveillance régulière (bilan sanguin, poids, tension…). Le dialogue médecin-patient-famille est la clef.
  • Les thérapies et suivis psychosociaux sont très inégalement accessibles selon les territoires. En Haute-Garonne, l’offre s’améliore mais reste tendue, avec des listes d’attente parfois longues pour les psychologues.
  • Aucun traitement ne guérit la schizophrénie à ce jour, mais la notion de “rétablissement” évolue : il s'agit moins d’effacer toute trace de la maladie que de permettre le retour à une vie épanouie, avec ou sans symptômes persistants.

Familles et aidants : leur place dans le traitement

Trop souvent oubliés, les proches jouent un rôle central dans l’observance du traitement, la détection des signes d’alerte, le soutien moral et les démarches administratives. Depuis plus de 10 ans, la Haute Autorité de Santé recommande leur inclusion dans les dispositifs de soin. Des associations (UNAFAM, Association Française de Psychiatrie, etc.) proposent des ateliers, des groupes d’information et un accompagnement dédié. Prendre soin de ses proches, c’est aussi se former, partager ses doutes, rompre l’isolement – sans porter seul tout le poids.

Vers un parcours personnalisé : les clés d’un traitement efficace

Ce qui s’impose de plus en plus, c’est la nécessité d’un projet de soins individualisé : écoute du patient, prise en compte des souhaits, évaluation régulière des traitements, articulation entre médicaments, soutien psychologique, interventions sociales et activités valorisantes. Les recommandations de la HAS comme celles du World Psychiatric Association insistent sur la co-construction des soins avec les personnes concernées, pas seulement pour elles.

  • L’éducation thérapeutique, la formation à l’autogestion, la prévention des rechutes, la mise en réseau local sont des leviers essentiels.
  • La Haute-Garonne dispose notamment de consultations spécialisées, de plateformes de coordination et d’équipes mobiles qui peuvent appuyer les familles.

Aller plus loin avec les ressources locales et nationales

La mosaïque des traitements pour la schizophrénie continue de s'enrichir. Les avancées ne se mesurent pas seulement au nombre de nouveaux médicaments mais à la capacité d'écouter, d'accompagner et de permettre à chacun, malade ou proche, de retrouver de la prise sur sa vie. En Haute-Garonne comme ailleurs, cette voie collective est la plus prometteuse.

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