Schizophrénie : mieux comprendre les symptômes positifs et négatifs

14/06/2025

Pourquoi parler de symptômes « positifs » et « négatifs » dans la schizophrénie ?

En France, la schizophrénie touche environ 1 % de la population, soit environ 600 000 personnes sur le territoire - et près de 4000 en Haute-Garonne. Pourtant, cette maladie reste entourée de stéréotypes et d’idées reçues, souvent plus proches du roman noir que de la réalité du quotidien. Pour dépasser les aprioris, il est essentiel de connaître ce que recouvrent vraiment les « symptômes positifs » et « symptômes négatifs », des termes médicaux qui, à première vue, peuvent prêter à confusion.

Dans le domaine de la psychiatrie, « positif » ne veut pas dire « agréable », et « négatif » ne signifie pas « dangereux » ou « sans espoir ». Ces notions font simplement référence à la présence ou à l’absence de certains comportements ou fonctions. Clarifier cette distinction n’est pas un détail : cela change la manière dont on accompagne une personne atteinte, la façon dont les proches perçoivent la maladie, et l’orientation des soins et du soutien.

Symptômes positifs : quand l’expérience déborde du réel

Les « symptômes positifs » de la schizophrénie correspondent à un excès ou une distorsion de l’expérience normale : ce sont des manifestations qui « s’ajoutent » à la réalité telle que la partage la majorité des gens. Ils sont souvent visibles lors des épisodes dits de « crise » ou d’exacerbation, ce qui explique qu’ils soient fréquemment associés à l’image populaire de la schizophrénie.

Hallucinations : percevoir ce que les autres ne voient pas

Une hallucination, c’est percevoir une voix, une image, une odeur ou des sensations physiques que les autres ne perçoivent pas. Dans la schizophrénie, ce sont principalement des hallucinations auditives : les personnes entendent des voix distinctes, parfois commentant leurs actes, parfois hostiles, parfois protectrices. Elles surviennent dans plus de 70 % des cas (Inserm).

  • Hallucinations auditives : voix, bruits, échanges entre plusieurs personnes, etc.
  • Hallucinations visuelles : plus rares, parfois quelques flashs ou images fugaces.
  • Hallucinations olfactives ou somesthésiques : souvent liées à des impressions corporelles ou des odeurs perçues uniquement par la personne concernée.

Ces expériences peuvent être très déstabilisantes, mais il est essentiel de rappeler qu’elles ne signifient pas que la personne est « dangereuse » : dans la grande majorité des cas, c’est elle-même qui en souffre le plus.

Idées délirantes : quand la réalité bascule

Le délire est une conviction fausse, inébranlable et qui résiste à tout argument logique. Il existe plusieurs types de délires associés à la schizophrénie :

  • Délire de persécution : la personne se sent épiée, surveillée, menacée sans fondement.
  • Délire de référence : elle est persuadée que des événements, des médias, des signes dans l’environnement font référence à elle.
  • Délire mystique, mégalomaniaque : conviction d’être investi d’une mission particulière, d’avoir un pouvoir surnaturel ou une identité exceptionnelle.

Contrairement à une idée reçue, ces idées délirantes ne concernent pas systématiquement la violence envers autrui. Elles génèrent surtout de la peur, de la confusion et un profond sentiment d’isolement.

Pensée désorganisée et comportements désorganisés

La désorganisation est un autre symptôme positif. On parle de « pensée désorganisée » lorsque le discours devient difficile à suivre, incohérent, ou passe du coq à l’âne. Cela peut se manifester par :

  • Des phrases inachevées ou interrompues par d’autres idées
  • Des associations d’idées illogiques ou des jeux de mots incompréhensibles
  • Une incapacité à mener une conversation cohérente

À cela s’ajoutent parfois des comportements désorganisés : agitation ou, au contraire, immobilité, gestes inadaptés à la situation, difficultés à effectuer les gestes du quotidien.

Symptômes négatifs : quand la maladie retire à l’élan de vie

Les symptômes négatifs sont plus discrets, souvent moins compris par l’entourage, et pourtant particulièrement handicapants. Ils correspondent à une perte ou une diminution de fonctions mentales et émotionnelles qui sont normalement présentes chez la plupart d’entre nous.

On estime que les symptômes négatifs concernent jusqu'à 60 % des personnes vivant avec une schizophrénie, et sont prédictifs d’un plus fort impact sur la qualité de vie et l’autonomie (source : HAS).

L’anhédonie et la réduction de l’expression émotionnelle

  • Anhédonie : difficulté ou incapacité à ressentir du plaisir dans les activités habituellement appréciées. La personne peut perdre tout intérêt pour ses loisirs, la cuisine, la musique, ou la compagnie de ses proches.
  • Emoussement affectif : le visage reste figé, l’intonation de la voix devient plate, les rires ou pleurs sont rares voire absents.

Ces signes sont parfois confondus avec de la froideur ou du détachement, alors qu’il s’agit d’un véritable trouble de l’expression émotionnelle.

Pauvreté du discours et de la pensée

  • Alogie : réduction de la parole, réponses brèves ou monosyllabiques, manque de spontanéité dans les échanges.
  • Blocage de la pensée : la personne s’arrête de parler brutalement, comme si elle avait oublié ce qu’elle voulait dire.

Ces symptômes compliquent l’échange, pouvant générer des incompréhensions, voire des conflits malgré les bonnes intentions de l’entourage.

Perte de motivation et retrait social

  • Avolition : perte d’envie ou d’énergie pour initier des actions. Cela affecte aussi bien les gestes quotidiens (se lever, se laver, préparer un repas) que les démarches plus complexes (études, emploi, loisirs).
  • Isolement social : désintérêt ou anxiété face aux contacts humains, tendance à rester seul, à éviter les sorties et même la famille proche.

Ces difficultés sont souvent confondues avec de la « paresse » ou un manque de volonté par l’entourage, ce qui ajoute une souffrance supplémentaire.

Symptômes positifs vs. négatifs : pour mieux comprendre leur impact

Dans la vie quotidienne, symptômes positifs et négatifs se mêlent souvent. Pourtant, ils n’ont pas le même retentissement ni la même prise en charge.

  • Les symptômes positifs sont généralement plus spectaculaires, mais ils répondent souvent assez bien aux traitements antipsychotiques disponibles.
  • Les symptômes négatifs évoluent souvent de façon plus chronique et résistent davantage aux traitements médicamenteux. Ils sont pourtant ceux qui affectent le plus durablement l’insertion sociale, l’autonomie et l’estime de soi.

Comprendre cette distinction permet d’éviter des malentendus : la disparition des hallucinations ou des délires n’implique pas un « retour à la normale ». L’anhédonie, l’avolition, l’émoussement émotionnel persistent souvent et nécessitent un accompagnement spécifique.

Manifestations mixtes et fluctuation des symptômes

Il rare de trouver une personne présentant exclusivement des symptômes positifs ou négatifs. La réalité, c’est une alternance, parfois une cohabitation. Certains vivent de longues périodes avec peu de symptômes positifs mais des symptômes négatifs invalidants, d’autres traversent des épisodes aigus espacés par des phases plus stables.

D’après Santé publique France, 20 à 30 % des personnes diagnostiquées restent en situation de handicap sévère, notamment à cause des symptômes négatifs, tandis qu’environ 15 % retrouvent un fonctionnement socio-professionnel proche de la normale après plusieurs années de prise en charge multidisciplinaire.

Les variations dépendent de nombreux facteurs : précocité de la prise en charge, soutien social, compréhension de la maladie, accès aux soins adaptés, effets secondaires des traitements, ou encore comorbidités (dépression, anxiété, addictions).

Reconnaître pour mieux accompagner : les repères utiles

  • Face aux symptômes positifs, il ne faut pas contrer ou raisonner frontalement les idées délirantes ou les hallucinations. Privilégier l’écoute empathique, sans juger ni valider le contenu, permet de conserver le lien et de réduire le sentiment d’isolement.
  • Pour les symptômes négatifs, l’incitation douce à l’activité, le fait de valoriser chaque effort, même minime, et d’adapter le rythme quotidien peuvent aider la personne à ne pas s’enfoncer dans le retrait social ou l’apathie.
  • Il existe des dispositifs locaux, notamment en Haute-Garonne, proposant des groupes d’expression, des ateliers de remobilisation, et du soutien aux aidants : ne pas hésiter à s’en rapprocher, via les CMP (centres médico-psychologiques), GEM (groupes d’entraide mutuelle), ou associations comme Unafam 31.

Les avancées et les défis

Ces vingt dernières années, la recherche a mis en évidence que :

  • La moitié des personnes vivant avec une schizophrénie présentent un mix de symptômes positifs et négatifs au long cours (OMS).
  • Les traitements psychosociaux (remédiation cognitive, psychoéducation, approche par les pairs) apportent des améliorations notables sur certains symptômes négatifs.
  • L’implication précoce des familles et l’éducation à la maladie réduisent de 25 % le risque de rechutes (source : Fondation FondaMental).

Un défi majeur reste de lutter contre la stigmatisation, régulièrement citée comme aussi invalidante, voire plus, que les symptômes eux-mêmes (Sources : Santé mentale et société, Revue Prescrire, Unafam).

Des regards à renouveler

Les symptômes de la schizophrénie ne se résument ni à une bizarrerie, ni à une incapacité permanente. Si les symptômes « positifs » interpellent l’entourage, ce sont souvent les symptômes « négatifs » qui dessinent le quotidien et rendent le chemin vers l’autonomie semé d’embûches. C’est en les comprenant, en sachant les reconnaître et en se dotant de ressources adaptées que chacun, proche, aidant, professionnel, peut offrir un soutien plus juste et plus efficace.

Au-delà de l’étiquette, n’oublions pas qu’il s’agit avant tout de personnes, dont le vécu et les besoins méritent d’être entendus pleinement, dans toutes leurs nuances.

En savoir plus à ce sujet :